Συνέντευξη Σοφίας Τσιλιγιάννη στη γαλλική εφημερίδα La Croix

05.05.2010

Selon la responsable d’un institut de sondages grec, les violences sont le fait d’une minorité d’anarchistes qui ont infiltré la manifestation et débordé la police

 

 

La Croix : Quelle est la situation à Athènes ?

Sophie Tsiliyanni : La situation est encore très confuse et peut dégénérer. La manifestation a commencé de façon normale, et soudain la protestation est devenue incontrôlable, avec le résultat tragique que des gens sont morts.

Nous avons l’habitude de cortèges de manifestations massifs constitués de gens qui défilent pacifiquement, et qui sont rejoints à la fin par un petit groupe d’anarchistes qui jettent des pierres, brûlent des voitures et affrontent la police. En général, cela s’achève avec quelques interpellations.

Cette fois, les anarchistes ont jeté des cocktails Molotov à l’intérieur d’une banque. Selon moi, ils voulaient viser ce symbole du capitalisme, mais n’avaient pas l’intention de tuer. La malchance a voulu que, dans l’incendie qui a suivi, des personnes prisonnières du feu aient été asphyxiées et sont mortes.

 

Comment vont réagir les Grecs face à ce drame ?

L’immense majorité des manifestants était pacifique. Selon les chiffres dont je dispose, il y avait environ 120 000 manifestants, ce qui n’est pas un chiffre très important pour la Grèce. Athènes a connu des défilés avec un million de personnes ! Et les anarchistes n’étaient qu’une poignée, peut-être 50 personnes.

Les manifestants voulaient dire haut et fort qu’ils sont inquiets, mais pas déstabiliser le gouvernement. Tous les sondages récents montrent qu’une majorité de Grecs a le sentiment que le gouvernement Papandréou fait de son mieux, et que ce sont les gouvernements précédents qui ont commis des erreurs.

 

Le plan européen, conjugué à celui du FMI, d’aide à la Grèce est bien perçu dans le pays ?

Il ne date que de dimanche dernier et nous ne disposons pas encore de sondages. Mais ceux de la semaine dernière montrent que les Grecs comprennent que les mesures sont très dures, mais indispensables. Ils savent qu’ils vont devoir faire des sacrifices ; ils espèrent seulement que cette charge sera répartie avec équité.

Ils savent également que la situation de l’économie est très risquée, et qu’il n’est pas sûr que le sauvetage réussisse. Dans notre dernier sondage réalisé la semaine dernière, plus de 60 % des Grecs estiment qu’un sauvetage est « nécessaire », et plus de 60 % également pensent qu’« il faudra des mesures supplémentaires ».

 

Faut-il redouter une escalade de violences, de la part de gens désespérés ?

Désespéré n’est pas le mot juste. Les gens sont surtout très inquiets. Mais le drame du mercredi 5 mai n’est pas comparable aux émeutes de la jeunesse qui ont secoué la Grèce en décembre 2008. Une grande partie de la jeunesse était révoltée après la mort d’un jeune homme tué par la police, et a cédé au vandalisme durant ces émeutes.

Cette fois, il s’agit d’une minorité d’anarchistes. Je suis sûre que tous les partis politiques, y compris ceux d’extrême gauche, tous les syndicats qui appelaient à manifester, vont condamner avec la plus grande fermeté l’attaque de mercredi.

 

Le gouvernement Papandréou a-t-il la situation bien en main ?

Mercredi, la police n’était à l’évidence pas assez nombreuse pour contenir les anarchistes. Mais le gouvernement marche sur la corde raide. S’il lance une offensive dure, avec de nombreux policiers, pour essayer d’isoler et d’interpeller tous les anarchistes, il risque de blesser des personnes innocentes dans l’attaque.

Les anarchistes se fondent dans les manifestants. Jusque-là, ils se contentaient de casser des vitrines, de briser les fenêtres des banques, et de brûler des voitures, surtout des marques de luxe.

Cela endommage des objets, mais ce n’est pas meurtrier. Donc, la police avait l’habitude, et la consigne, de laisser faire, plutôt que de risquer de blesser des innocents. On ne s’attendait pas à ce que des gens soient tués.